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Décalaminer et nettoyer les soupapes

Tuto: Démontage, nettoyage et rodage des soupapes

Saga restauration de la sportive Kawasaki ZX6R 636 modèle 2002 : 12ème épisode

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Le problème avec les moteurs à combustion, ce sont les hydrocarbures non brûlés qui se déposent dans la chambre de combustion du moteur et qui avec la chaleur se cristallisent pour former un résidu charbonneux. Il s'agit bien d'un encrassement qui nuit au bon fonctionnement du moteur, avec en premier résultat une perte de puissance mais aussi une détérioration des soupapes. Il faut donc nettoyer ou plus exactement décalaminer pour que le moteur retrouve son fonctionnement normal.

Une soupape d'admission, qu'elle soit d'origine ou adaptable, c'est cher. Comptez entre 40 et plus de 200 ¤ pour une soupape, en fonction de sa qualité de fabrication et de son matériau. Cela vaut donc le coût surtout lorsqu'on a déjà démonté le moteur d'y passer le temps pour bien les nettoyer et restaurer. La soupape est une petite pièce mais composée de nombreuses parties qui ont toutes leur importance.

Les différentes partie de la soupape
Les différentes partie de la soupape

Il y a 16 soupapes sur notre moteur 4 cylindres. Cela correspond à chaque petit rond que l'on voit sur la photo de la culasse démontée. Imaginez le coût ou plutôt l'économie grâce à la restauration.

L'admission et les soupapes avant nettoyage
L'admission et les soupapes avant nettoyage

A contrario, je n'aimerais pas me rater lors de leur nettoyage ou de leur démontage/remontage. D'autant qu'il faut un outil spécifique pour décomprimer leur ressort et les enlever de manière simple.

Heureusement, malgré ma mauvaise chance qui me poursuit souvent, je fais de belles rencontres. Edouard, le gentleman mécanicien de Rollbiker à Boulogne Billancourt me propose son aide. C'est sur ses conseils aussi avisés qu'amicaux, que je me rends chez lui, culasse à la main, pour un cours accéléré de mécanique et une démonstration de nettoyage complet et de rodage de soupape. Leur état d'encrassement est important et leur aspect peu reluisant, voyons voir ce que notre noble chef et mécanicien boulonnais, va bien pouvoir faire.

Pas très engageant tout ça et surtout, pas question de les laisser dans cet état
Pas très engageant tout ça et surtout, pas question de les laisser dans cet état

Il me montre les gestes, me rassure et me lance dans le grand bain pour que j'apprenne à nager. Mieux encore, il prête gracieusement l'outillage nécessaire pour que je puisse le ramener au garage participatif. Qu'il en soit mille fois remercié. Je repartirai donc avec le repoussoir de ressorts de soupapes et le rodoir. La pâte à roder, elle, est trouvée sur le lieu de villégiature privilégié de la ZX6R 636 où Alex et moi terminerons la man½uvre. Pour les non initiés, je rentre dans le détail avec ce tuto.

Des outils spécifiques à trouver

On trouve sur le Web des outillages adaptés. J'avais regardé, au cas où.

Le compresseur de ressort de soupape est affiché au prixLa pâte, le rodoir et le compresseur de ressort de soupapes de base 20 ¤ environ. Un tarif auquel il conviendrait de rajouter celui du rodoir de soupape. Il s'agit d'une ventouse se fixant sur la tulipe de la soupape (sa tête) et servant à la faire tourner sur elle-même pour refaire une étanchéité parfaite entre sa portée (la partie en contact avec la culasse) et son logement dans la culasse. Il existe principalement deux modèles de rodoirs : le rodoir manuel et le rodoir adaptable sur une perceuse ou sur un compresseur. Les tarifs vont de 5 à 300 ¤... Pour moi, ce sera le classique, histoire de conserver un bon ressenti de la résistance et du grain lors de la friction.

Il faut en effet ajouter à la man½uvre la fameuse pâte à roder. Elle va permettre d'adapter les deux surfaces en contact en les élimant et en éliminant toujours et tout jeu. Donc tout risque de fuite. Cette opération est cruciale et la pâte à roder peut être de deux types : à gros grain et à grain fin. Dans mon cas, la grain fin a fait merveilles. On en met un peu sur la surface à « polir » et on tourne, on tourne, jusqu'à ce que l'on ne sente plus de résistance particulière de la soupape, jusqu'à ce que tout glisse, reflétant une surface lissée. Parfait, c'est noté.

Le compresseur de ressort de queue de soupape en action
Le compresseur de ressort de queue de soupape en action

Les étapes pour redonner vie aux soupapes

Retour au garage participatif avec les 15 autres soupapes à faire. Évidemment, pour faire simple, la 636 dispose de 4 soupapes par cylindre (deux d'admission, 2 d'échappement) et donc de 16 soupapes à refaire au total. Edouard m'a montré pour l'une d'entre elles, regarder faire sur une autre pour s'assurer que tout irait bien et il m'en reste donc 14 à faire. Cela promettait d'être fastidieux et risqué, il n'en fut rien.

Dès les premières craintes passées, je me sens à l'aise. Leur réfection est devenue une opération en fait agréable. Elle touche aux valves du c½ur de la moto. Cela demande de la précision, de l'attention, des gestes sûrs et une technique affirmée qui s'est rapidement affinée, à mesure que le plaisir grandissait.

Extraire chaque soupape avec le compresseur de ressort de soupape

Le compresseur de ressort de queue de soupape en action
Le compresseur de ressort de queue de soupape en action

La manipulation est simple. Je positionne la culasse, "haut vers le bas". Les soupapes sont donc côté "tapis" de l'établi et toujours fortement maintenue en place par la compression de leur ressort contre la paroi de la culasse.

Je positionne le lève soupape, qui se centre automatiquement lorsque je resserre son emprise. La partie ronde et évidée, mobile, est en contact avec la "coupelle", qui retient les demi-lunes. L'autre repose sur l'autre face de la culasse. Lorsque je resserre l'étreinte, elle appuie sur la coupelle (la cuvette qui serre les clavettes) et comprime le ressort de soupape. Ceci a pour effet de libérer les clavettes (que j'appelle aussi les demi-lunes), qui retiennent normalement la queue de la soupape au niveau de la saignée prévue pour les accueillir.

La manipulation est assez simple
La manipulation est assez simple

C'est un peu le principe d'une mine de critérium, maintenue en place par la pression, d'un ressort tant que l'on n'appuie pas sur la gomme ou sur le bouchon.

La soupape "tombe" naturellement et je la récupère en soulevant la culasse. Afin de ne pas perdre les demi lune, je relâche le compresseur de ressort. Elles sont à nouveau prisonnières. On peut aussi les enlever, afin de faciliter le rodage à venir. Bon, au cas où, je me suis renseigné, même s'il est très difficile de les égarer au démontage, on peut en racheter, moyennant 2 à 3 ¤... l'unité.

A gauche, une queue de soupape libérée et son joint, à droite, une soupape prisonnière de ses deux demi lunes
A gauche, une queue de soupape libérée et son joint, à droite, une soupape prisonnière de ses deux demi lunes

Polissage des soupapes

Pour l'heure, une fois chaque soupape démontée et sortie de son logement (quelle belle pièce, quand même!), je la coince délicatement dans le mandrin d'une perceuse (avec ou sans fil) et je lui fais tourner la tête ! Un manège qui s'associe pour l'occasion à un ciseau à bois bien affûté. Un dispositif permettant de décalaminer la surface externe de la soupape aurait pu être utilisé aussi, mais je n'avais pas de solution chimique, ni quelque chose d'aussi efficace que ce que j'entreprends à présent. Pas de crainte d'attaquer la structure : c'est solide de chez solide. Par contre, je fais très attention sur les bords de la soupape : il ne faut pas les attaquer, pas davantage que le siège (la partie inférieure). Evidemment, avec les deux mains prises, pas facile de faire une photo pour illustrer le propos, mais vous avez compris le principe.

Je prends plaisir à faire attention à la manière dont je place la queue de soupape dans le mandrin. Cela me prend 5 à 10 minutes par soupape, en fonction de son état et des précautions que je prends. J'apprécie trouver le bon régime de rotation pour être efficace, à régler la vitesse adaptée pour pouvoir décoller la calamine et les résidus. Je m'évade littéralement en peaufinant le geste. Je surveille, scrute, observe, bref, je profite !

La soupape est nettoyée grâce au polissage
La soupape est nettoyée grâce au polissage

Changer les joints de queue de soupape

Une fois la soupape revenue à son aspect d'origine (superbe !), il est temps de la remettre en place, Je confie la tâche à Alex. Il a la responsabilité de changer les joints de queue de soupape et de les remettre en place. Il la renfile dans son logement, sans remettre les demi lunes. Cela permet sa libre rotation sur elle-même, autour de son axe de queue.

Roder les soupapes

Maintenant, il faut mettre la ventouse du rodoir sur la tête de la soupape et enduire de pâte au doigt la portée (partie inférieure et biseautée de la tête de la soupape) avec de la pâte à roder.

On enduit de pâte à roder
On enduit de pâte à roder

Comme son nom l'indique, son rôle est d'user les deux surfaces en contact pour qu'elles s'accordent parfaitement et créent une étanchéité durable. Comment sait-on que c'est fait ?

On effectue un mouvement de friction (alternance de rotations de gauche à droite), soupape en place dans son logement. Au départ, on sent au travers de la tige du rodoir comme une rugosité.

On fait le rodage des soupapes
On fait le rodage des soupapes

Un grain qui disparaît à mesure que les surfaces s'accordent et que la pâte agit. C'est une sorte de polish égalisant les surfaces. Lorsque la soupape patine comme dans du beurre, le rodage est terminé. Pour en avoir le c½ur net, on peut tester une fois en remettant un peu de pâte: le grain a disparu.

Le rodoir, ventouse au bout d'un bâton, est en place pour refaire la portée des soupapes
Le rodoir, ventouse au bout d'un bâton, est en place pour refaire la portée des soupapes

Pour rappel, Alex, apprenti mécanicien en première année d'école de mécanique moto à Angoulême, est en vacances à la maison. Méticuleux, appliqué, il s'acquitte de la tâche avec sérieux. Un sérieux obligatoire pour une telle opération, vitale. Une soupape qui se tord, qui se décroche ou quoi que ce soit de ce genre et le moteur est mort. Travailler en parallèle nous permet de passer un bon moment ensemble.

Allez, C'est parti pour 10 à 20 minutes de manipulation... par soupape ! Et il y en a 14... Je vais relayer Alex, le geste étant usant à la longue. On fera en douceur, avec le rodoir, la pâte à roder et de l'huile de coude. On se prend pour Cro Magnon en train d'essayer de faire du feu lorsque l'on tourne la tige du rodoir entre les mains en montant et en descendant, pour assurer sa parfaite mise en place. Ça se décolle de temps à autre, mais là encore, l'action est captivante.

Remise en place des demi-lunes

On peut dès lors remettre les demi-lunes en place et ce n'est pas toujours facile : elles ont tendance à se mettre en biais. Un petit tournevis peut permettre de les orienter et de faciliter la chose. Attention à bien tout remettre en place : un joint de queue de soupape qui saute ou des demi lunes qui se font la malle et on est mal: ça va libérer la soupape dans la chambre de combustion et là... bonjour les dégâts.

Test de non fuite de la culasse

Une fois toutes les soupapes en place et rodées, on vérifie que la culasse remontée créera bien un espace entièrement clôt et exempt de fuite. Elles permettent une bonne compression, mais aussi une bonne combustion et l'évacuation des gaz résultant de l'explosion créée par la bougie. Pour ce faire, je retourne cette fois la culasse et les soupapes pointant vers le ciel et je verse de l'essence dans le creuset. Si j'en vois couler de l'autre côté, sur l'établis ou sur un chiffon, il y a un problème et il faut soit vérifier le bon arrimage des soupapes, soit refaire un rodage plus long et plus appliqué, avec une pâte plus agressive, à gros grains pour commencer puis à grains fins. Si ça ne fonctionne toujours pas, il va falloir envisager de changer la ou les soupapes incriminées, ou refaire la culasse, ou en changer ou... pleurer un bon coup.

Si rien ne passe, c'est que tout va bien. Et dans mon cas, c'est tout bon. Une petite victoire à savourer autant que les moments passés à se former à la mécanique lourde « à l'ancienne » et que ceux partagés avec Alex. Pour moi, c'est sûr, c'est aussi ça, la mécanique : le partage.

Nous allons pouvoir remonter la culasse et la distribution. A suivre....

A retenir

  • Vérifier l'état des soupapes est un plus lorsque l'on reprend un moteur
  • Changer les joints de queue de soupape est plus facile qu'il n'y paraît et surtout fortement recommandé une fois qu'on en est là
  • L'option perceuse n'est peut être pas la plus académique, mais elle a fait ses preuves
  • Ne pas mélanger les soupapes et les remettre à leur place d'origine
  • Nettoyer uniquement le dessus de la soupape, en faisant attention à sa bordure, le rodage s'occupe du reste

A éviter

  • Mal remonter les demi lune qui retiennent les soupapes
  • Remonter une soupape tordue ou non étanche
  • Utiliser une perceuse à vitesse non variable et trop rapide (vitesse lente requise)
  • Endommager une soupape (même si ce n'est pas facile...)
  • Tordre une queue de soupape

Outils :

  • Compresseur de ressort de soupape,
  • boîte organiseur,
  • perceuse avec ou sans fil,
  • rodoir,
  • pâte à roder

Plus d'infos sur la restauration

Commentaires

waboo

Bien cool !

11-05-2020 16:12 
commando

Et ne pas oublier de tout nettoyer à l'essence pour supprimer toute trace de pâte à rôder

11-05-2020 16:39 
Charlie_41

Un article très didactique super

Même si je reste perplexe sur l'utilité du rodage de soupapes dans ce cas précis, et même d'une manière générale...
[www.nobug.be]

11-05-2020 20:08 
commando

Une fois la culasse démontée, ça serait complètement idiot de ne pas tout vérifier, guides, sièges et soupapes, bien sûr. Pis mettre des joints neufs de queue de soupape, ça peut pas faire de mal

11-05-2020 20:29 
Coolapix

Et aussi, même si ça peut coûter quelques sous, et quelle que soit l'opération : Ne pas acheter des outils de merde.

11-05-2020 23:20 
1364

Oueps! Chapeau bas Benoît! À toi comme à ceux qui t'on aidé.
Là ça devient de la mécanique de précision... la vraie!
Enfin, si ce n'est de précision, faut p'têt pas exagérer tout de même, au moins se rapproche-t'elle d'une connaissance approfondie de sa nature même. Tout comme les pionniers!

Par contre, tu ne précises pas qu'il faut remonter les bougie pour assurer l'étanchéité des chambres de combustion lors de leur remplissage d'essence, pour vérification de l'étanchéité des soupapes après rodage.
C'est obligatoire.

Enfin, au moins, avec les conseils d'un acteur plus affûté que moi-même, tu prends les choses dans le bon ordre.

Maintenant, pour décalaminer sans efforts démesurés, amis avec obligation de rincer les éléments avec de l'essence ou autre diluant, avant rodage...
Comme on peut le faire pour de la carrosserie, afin de décoller la peinture de son support, sans peiner...
Faudrait voir, si en trempant plus ou moins longuement les soupapes (repérées, pour ne pas les mélanger) dans du liquide de frein usagé, ne serait pas efficient.

En effet, ce liquide a un pouvoir décapant certain, puisqu'il est toujours formellement déconseillé d'an faire couler sur de la peinture, sous peine de l'abimer de façon définitive.
Certes... Mais à l'inverse, quand on veux décaper une peinture sans efforts ou presque... ben... on laisse agir le liquide de frein usagé en le répandant dessus, et là Oh! Miracle... surtout sur les matières plastiques... ça marche! C'est décapé sans coup férir!

Et sur des soupapes métalliques avec acier à forte résistance mécanique... ça devrait pouvoir le faire. Mais il vaut mieux faire un essai préalable pour s'assurer tout de même que les parties en mouvement, comme la tige de soupape, qui frotte dans son guide, ne soit pas attaquée, piquée, par le liquide de frein.

Quant à la partie de la tulipe, appelée portée, qui crée le contact étanche avec le siège de soupape, sera de toute manière rodée, donc, elle importe moins.

En même temps, le liquide de frein qui est en contact avec les partie métalliques de jointures et de connexion, ou même des étriers de freins, a plutôt tendance à ce corroder lui-même à l'utilisation et dans le temps, plutôt que le métal avec lequel il est en contact... Donc, à voir.

Mais pour les peintures... y'a pas de contre-indications particulières, si ce n'est un rinçage conséquent des matière mises en contact avec le liquide de frein, histoire d’annihiler ses effets, après décapage.

Moi j'dis ça... j'dis ça! clin d'oeil

12-05-2020 07:45 
 

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